L'ACACIO
Préparé et coulé par le GERSMA le dimanche de Pâques 2000, l'Acacio Mane Ela de son ancien nom Presidente Macias Ngema, est un cargo mixte de 100 mètres qui appartenait au gouvernement Equato-Guinéen. Il repose bien droit sur sa quille sur un fond de sable de 36 m. La plongée sur l'épave est réservée aux plongeurs plus expérimentés.
Ce navire commandé par le M. Félicisimo Engo faisait route vers Malabo avec 39 personnes à bord et un chargement de véhicules lorsque, le jour de Noël 1997, le feu c'est déclaré dans la salle des machines au large des côtes ivoiriennes, sans pouvoir être maîtrisé. L'équipage et les passagers ont été récupérés par le navire MV Takora battant pavillon Libérien. Par la suite, à la demande des autorités de Guinée Equatoriale, l'Acacio Mane Ela a été remorqué vers la port d'Abidjan où il a été finalement abandonné faute de pouvoir être réparé.
Voici son histoire :
“Nous sommes le 25 Décembre 1998, alors que l’ensemble du monde célèbre encore le réveillon, les 39 marins du bateau présidentiel de Guinée Équatoriale, l’ACACIO MANE ELA, vont connaître une aventure extraordinaire.
Il est 19 H 30 lorsqu’une panne immobilise en pleine mer l’ACACIO au large des côtes du Libéria. A cause de la présence d’eau dans le mazout, les machines se sont tues sans autre forme de procès. Afin de permettre leur redémarrage, le Commandant Felicisimo Engo ordonne le nettoyage des filtres à mazout et du réservoir incriminé pour tenter de remettre en état la machinerie.
C’est alors qu’une explosion se produit au niveau du moteur principal déclenchant la terreur de tout marin : un feu qui devient vite incontrôlable malgré les efforts de l’équipage pour le circonscrire. S’étendant à tout le navire, le Commandant Engo n’a d’autre choix que de décider de l’abandon de son navire en perdition et faire mettre des chaloupes à l’eau. Ayant répondu à son “S.O.S”, le cargo panaméen M/V Takora recueille à son bord les 39 hommes qu’il débarque à Monrovia (Libéria) le lendemain.
UN VAISSEAU FANTÔME
Répondant à l’appel de la Présidence de Guinée Équatoriale, les autorités ivoiriennes qui sont les seules à disposer de moyens dans la région lancent des recherches aériennes afin de retrouver le brûlot qui continue sa route au gré des courants. Alors que les recherches se soldent par un échec à cause de la mauvaise visibilité, c’est finalement le Batral (navire de débarquement), Éléphant de la marine Ivoirienne qui retrouve l’ACACIO MANE ELA au large des côtes de Sassandra (côte Ouest de la Côte d’Ivoire).
Remorqué à la base navale de Locdjoro près d’Abidjan, une commission d’enquête tente d’établir les causes du sinistre. Bien que de construction ancienne (1973), l’ACACIO a été révisé en 1992, 95 et 98 et était justement sur la route du retour après un séjour dans un chantier naval polonais. Navire officiel à bord duquel une suite a été aménagée pour le Président de Guinée Équatoriale, il peut aussi s’adapter au transport commercial quand le besoin s’en fait sortir. Le navire venait d’ailleurs de charger au port espagnol de Valence des voitures destinées aux dignitaires du régime.
Malgré leurs efforts, les enquêteurs ne purent déterminer la cause précise de l’explosion et s’en retournèrent à Malabo abandonnant l’ACACIO à son sort en Côte d’Ivoire. Dépouillé de tout ce qui pouvait être utile, l’ACACIO est bientôt remorqué au fonds de la lagune Ebrié dans le tristement célèbre cimetière à bateaux.
LA RENAISSANCE
C’est grâce à la volonté du GERSMA et notamment d'Alain KOFFEL et de Thierry BARBERA que l’ACACIO va voir son destin basculer. Suivant l’exemple du Sénégal où de nombreux récifs artificiels ont été immergés, ils veulent faire du cargo le premier d’une série de DCP destiné à fixer la faune, contribuer à l’enrichissement des eaux côtières victimes de la sur-pêche.
A force de persévérance auprès de différents ministères et autres organismes, le GERSMA. obtient des Affaires Maritimes l’attribution d’une zone réservée pour la création du récif artificiel, la cession de l’ACACIO et enfin le financement pour la dépollution de l’épave et son remorquage.
LE DERNIER VOYAGE
Le 20 avril 2000, pris en remorque par l’Acajou 2 et le San Pedro, l’ACACIO est sorti de son cercueil de boue après de nombreuses tentatives grâce aux efforts conjugués des remorqueurs de l’I.R.E.S.
Franchissant les passes du canal de Vridi, il retrouve une dernière fois la haute mer et trace sa route vers l’Ouest. Positionné, ses ancres sont mouillées, les vannes d’eau ouvertes et l’ACACIO s’enfonce doucement dans son linceul liquide alors que la nuit tombe.
LA PREMIÈRE PLONGÉE
Dimanche 21 avril, le Wor’o², bateau du GERSMA, connaît une effervescence certaine alors qu’il se dirige vers le lieu d’immersion. Tous à bord ont hâte de retrouver le navire qui avait été laissé la veille à moitié enfoncé dans l’eau. Aussitôt arrivé sur site, celui-ci se signale par un halo blanc, les oeuvres vives étant à -20 mètres de la surface.
Faisant partie de la 1ère palanquée à plonger sur l’ACACIO pour y fixer la bouée de mouillage, je m’immerge avec une certaine impatience en compagnie de Stéphane mon binôme de choc. Nous laissant couler avec le câble sur le fond de -37 mètres, nous nous retrouvons après quelques coups de palmes devant un impressionnant mur blanc : c’est l’ACACIO qui repose fièrement sur sa quille comme attendant un énigmatique départ dont lui seul a le secret.
Remontant le bastingage, nous fixons notre bouée et entamons notre plongée d’exploration quasiment religieusement, effleurant chacune de ses parties, tournant et remontant autour de ses portiques pour se laisser tomber dans sa cale avant, pénétrant ses entrailles, contemplant avec respect ce nom ACACIO MANE ELA à la poupe d’un navire qui nous a tant fait rêver et que nous avons finalement pu réaliser grâce à la volonté de quelques uns.
C’est avec réticence que nous entamons la remontée pour effectuer les paliers sur le mât radio qui culmine à -7 mètres de profondeur et offre à notre vue ce navire si maltraité par les éléments.... Le bateau repose maintenant en paix au fonds de l’eau.
2 ANS APRÈS
La vie marine a repris ses droits sur l’ACACIO et l’a colonisé en douceur donnant une vie nouvelle à cette épave qui avait déjà une âme. La force de la houle a aussi fait son oeuvre peu à peu, les cloisons fragilisées par l’incendie sont tombées rendant plus facile l’accès aux ponts supérieurs de l’épave. Les panneaux de la cale arrière ont été déplacé ouvrant celle-ci.
Les bancs de barracudas, de carangues tournent autour pendant qu’une grosse raie pastenague a élue domicile sur l’arrière. Des grosses murènes vertes de taille respectable ont pris leurs quartiers un peu partout dans l’épave dérangeant les mérous “tiof” pendant que des milliers de “gros yeux” (Pricanthus Arenathus) virevoltent entre les grues. Il n’est pas rare d’y voir à proximité des baleines, dauphins et autres requins lorsque l’on s’y rend avec le Wor’o².“
Anthony Lalouelle
Première pierre du récif artificiel, l’Acacio Mane Ela a très vite été colonisé par les invertébrés : crustacés, cnidaires, mollusques. Il sert de refuge à de nombreuses espèces de poissons, lesquels attirent les pélagiques en particulier carangues, barracudas, cobias et même requins. Malheureusement, la zone d’interdiction à la pêche n’est pas respecté par les chalutiers locaux et, malgré la présence de bouées sur le site, les filets et même les chaluts sont souvent crochés sur l’épave. Outre le danger pour la plongée et le travail nécessaire pour les enlever, ils causent de gros dégâts aux superstructures fragilisées par le feu.
LEGENDE
On raconte au GERSMA que des diamants auraient été oubliés à bord dans un coffre, l’équipage étant pressé de quitter le navire en proie aux flammes. Ils n’ont jamais été retrouvés alors ouvrez l’oeil...
Photos : Arnaud Bedel, Philippe Drean